Divorcer sans juge : la fausse bonne idée
Afin de comprendre les innovations de ce texte, il convient de rappeler les dispositions applicables avant l’entrée en vigueur de cette loi.
Jusqu’alors, lorsque les époux étaient d’accord sur le principe du divorce et ses conséquences (résidence des enfants et droit de visite et d’hébergement, liquidation du patrimoine commun et des dettes entre époux, pensions alimentaires et prestation compensatoire, etc.) ils rédigeaient une convention de divorce qu’ils soumettaient à l’homologation du Juge aux affaires familiales.
Pour rédiger la convention, les époux pouvaient faire appel à un Avocat commun ou choisir chacun leur Avocat.
Une fois la convention rédigée, elle était déposée au greffe du Juge aux affaires familiales qui convoquait les époux et leur(s) Avocat(s) lors d’une audience unique, au cours de laquelle le Juge contrôlait avec les parties l’équilibre de la convention qui lui était soumise.
Avant cela, le juge avait procédé à un entretien individuel avec chacun des époux afin de s’assurer de la validité de son consentement sur le principe du divorce ainsi que sur ses conséquences.
Si la convention ne posait pas de problèmes, le Juge prononçait le divorce et homologuait la convention, donc les conséquences de celui-ci sur les enfants et le patrimoine du couple.
Dans cette procédure, le juge était le garant du consentement des parties et de l’équilibre de la convention.
Avec la loi « Justice du XIXème siècle » le divorce par consentement mutuel a été profondément bouleversé.
En premier lieu, la possibilité de recours à un seul avocat a été abrogée ; en effet, chacun des époux devra désormais obligatoirement avoir son propre Conseil.
Le législateur a en effet considéré que la suppression de l’intervention du Juge aux affaires familiales (voir plus bas) nécessite que chacun des époux soit conseillé indépendamment et librement ; ce faisant, il considère que l’équilibre de la convention de divorce résulte nécessairement de la synthèse des intérêts parfois contradictoires des parties.
Au-delà du fait que ce raisonnement reprend la logique du libéralisme économique et de la « main invisible » pourtant difficilement transposable à la matière familiale, cela entraîne pour les parties un nécessaire surcoût.
Il est dû à l’intervention de deux professionnels, à la rédaction de la convention qui devra nécessairement passer par une négociation, à d’éventuelles rencontres à quatre (chacune des parties et son avocat), à des allers-retours pour la rédaction finale de l'acte etc.
Le gain de temps pour les parties n’est donc pas évident par rapport à une rédaction conjointe et à un passage unique devant le Juge aux affaires familiales, mais le surcoût pour celles-ci est évident.
Une fois la convention rédigée et signée par les parties après délai de réflexion obligatoire écoulé, la convention de divorce est transmise au notaire, qui l’enregistre au rang de ses minutes.
Le notaire délivre alors une attestation de dépôt aux Avocats, qui seront en charge de la retranscription du divorce sur les actes d’état civil des parties.
Il est à souligner que le notaire n’a aucun pouvoir d’appréciation quant à l’équilibre de la convention ou à sa qualité. Il est contraint par la loi à l’enregistrer.
Ainsi, le Juge aux affaires familiales n’intervient plus dans le divorce par consentement mutuel et par voie de conséquence, n’exerce plus aucun contrôle sur l’équilibre de la convention.
Or, les Juges aux affaires familiales font un constat de ce que leur refus d’homologation des conventions de divorce sont souvent guidées par un déséquilibre qui résulte de la position dominante de l’un des époux, qu’il s’agisse de leur fonctionnement « habituel » ou de l’urgence à divorcer (pour celui des époux qui se sentirait en danger, ou « coupable », par exemple).
Si les questions relatives à l’intérêt des enfants pourront être remises en cause par tout élément nouveau survenant dans la situation des parties, les conséquences financières du divorce, et notamment en ce qui concerne la prestation compensatoire, seront quant à elles définitives. S’ouvre alors le champ du contentieux du vice du consentement, difficile à prouver dans la mesure où chacune des parties était assistée d’un Avocat qui lui a apporté conseil…
Enfin, se pose la question du contrôle du respect des législations applicables en cas de mariages « binationaux » ; pas très XXIème siècle finalement.
Ces raisons ont poussé les Avocats à critiquer fortement la réforme du divorce par consentement mutuel. Cette réforme, qui a pour but non la simplification de la procédure mais le désengorgement des juridictions des affaires familiales, entraîne non seulement un surcoût pour les parties mais également une disparition de la garantie du contrôle judiciaire de l’équilibre de la convention et donc de la protection de chacune des parties.
Pour être tout à fait complet, il convient néanmoins de préciser que le législateur a prévu une disposition pour le moins étrange permettant aux parties souhaitant divorcer par consentement mutuel d’avoir accès au Juge aux affaires familiales ; en effet, lorsque dans le cadre de cette procédure les parties souhaitent que les enfants du couple soient entendus, ils peuvent l’être par le Juge aux affaires familiales.
Dans la pratique, cette situation ne se rencontre jamais car le divorce par consentement mutuel suppose nécessairement l’accord des parties sur le principe de la dissolution du lien matrimonial, mais également sur toutes ses conséquences, y compris sur les enfants.
Cette réforme, d’un point de vue pratique, semble être utile uniquement lorsque des époux sans patrimoine et sans enfants, dans une situation personnelle et professionnelle équivalente souhaitent divorcer.
Pour les autres qui constituent la grande majorité des cas, il semble que le prix de désengorgement des tribunaux doive être payé par les justiciables.
Mots clés : Divorce, consentement mutuel
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