Bernard Ripert, arrêté.
Notre Confrère Bernard Ripert, Avocat au Barreau de Grenoble, a été arrêté ce 23 mai 2016 à son domicile, menotté, et conduit à l'hôtel de police pour y être entendu sous le régime de la garde à vue.
En effet, il fait l’objet d’une plainte déposée par un magistrat de la Cour d’appel de Grenoble pour « menaces ou actes d’intimidation commis envers un magistrat en vue d’influencer son comportement dans l’exercice de ses fonctions ».
L’objet n’est pas ici de commenter la longue série d’événements qui émaille le feuilleton judiciaire et médiatique relatif à cet auxiliaire de Justice et ses relations avec l’institution judiciaire, tant la presse s’en est fait l’écho.
L’institution judiciaire rendra une décision tôt ou tard, et le verdict sera la « vérité » judiciaire.
Néanmoins, face à un tel déferlement d’informations approximatives, incomplètes ou tendancieuses, il semble nécessaire de relayer la motion du Conseil de l’Ordre votée le jour même.
Que le justiciable se rassure ; il y lira des choses qu’on essaiera de lui dire choquantes, mais les explications qui vont suivre le convaincront du bien fondé de celles-ci.
En premier lieu, il faut se rappeler que l’Avocat est un auxiliaire de Justice. En ce sens, il prend part au débat judiciaire, défend ses clients, et est l’un des remparts face à l’arbitraire du pouvoir.
Il bénéficie donc d’un certain nombre de protections spécifiques destinées en cascade à la protection de ses clients, mais visant également à le soustraire de toute pression ou influence du pouvoir ou des institutions ; à titre d’exemple, si une perquisition doit être ordonnée en son cabinet ou à son domicile, son Bâtonnier doit en être avisé et présent (article 56-1 du code de procédure pénale).
La réalité de cette protection conditionne une justice libre, équilibrée, et de fait… régulière.
Par extension, et sans que cela soit une obligation légale, il est coutume pour le procureur de la République d’avertir le Bâtonnier de l’Ordre pour les opérations de police judiciaire (telle qu’une arrestation ou un placement en garde à vue) concernant un Avocat.
Dans le cas de Bernard Ripert, il n’en a rien été.
De la même façon la procédure aurait pu être diligentée, pour éviter de fâcheux mélanges de genre, par le Procureur de son lieu d’habitation (Savoie), en vertu de l’article 43 du code de procédure pénale, et non du lieu de commission de l’infraction, dans la mesure où le plaignant est… un magistrat grenoblois.
Allons plus loin.
Dans le cadre de sa garde à vue, Bernard Ripert a dû être conduit à l’hôpital, pour des raisons médicales relevant de l’hypertension (son épouse affirme que les policiers ont refusé que Bernard Ripert prenne son traitement avant d’être « embarqué »).
Le Procureur de la République de Grenoble a parallèlement décidé de le soumettre à un examen psychiatrique et procédé à son hospitalisation sous contrainte.
Je ne suis pas médecin. Je suis pourtant surpris.
Non que j’aie de quoi contester ce diagnostic ou cette décision.
Mais, je ne peux qu’être étonné qu’à l’heure où nombre d’avocats sont poursuivis pour des prétendues violations du secret de l’instruction ou indiscrétions dans les dossiers dont ils sont saisis, Monsieur le Procureur de la République donne force renseignements à la presse, aussi bien sur le contenu et le déroulement de la procédure que sur le contenu du certificat médical qui a été établi.
Bernard Ripert étant l’un des grands avocats pénalistes français, et faisant l’objet de procédures disciplinaires très largement commentées, il était évident que le retentissement médiatique de telles informations serait grand (les statistiques de consultation des articles le concernant en disent long à ce sujet).
Le dire hospitalisé en structure psychiatrique, c’est le décrédibiliser, violer sa vie privée et professionnelle.
Pour être complet, il convient de préciser que ses dernières poursuites ont conduit à une relaxe par le Conseil régional de discipline, décision dont le Procureur général de la Cour d’appel de Grenoble a immédiatement fait appel, permettant ainsi la continuation de la suspension provisoire dont il faisait l’objet (les conditions de cette prolongation étant elles-mêmes contestées juridiquement par Bernard Ripert – analyse partagée par le rédacteur).
A cette heure, le Conseil national des barreaux n’a pas pris part à ce débat.
Nous sommes nombreux à déplorer ce silence, car l’atteinte, si elle touche directement Me Bernard Ripert, touche aussi directement tous les Avocats de France.
La justice n’est impartiale que si le débat est contradictoire et si les Avocats ont la parole, peu importe ce qu’ils ont à dire.
Actuellement, elle transforme ses auxiliaires en accessoires...
Oui, « Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark »
MOTION DU CONSEIL DE L’ORDRE
Le Conseil de l'Ordre, réuni en séance ordinaire le 23 mai 2016 :
- Exprime sa sidération devant les conditions de l’arrestation et l’annonce par voie de presse, à l’initiative du Parquet de Grenoble, du placement en garde à vue de l’un de ses confrères provisoirement suspendu,
- Déplore l’absence de toute information préalable du Bâtonnier de Grenoble,
- Condamne l’atteinte ainsi portée par le Parquet de Grenoble, à la présomption d’innocence, au secret médical et au respect de la dignité d’un confrère,
- Déplore les moyens judiciaires exceptionnels et disproportionnés mis en œuvre avec célérité dans une volonté manifeste d’anéantissement personnel et professionnel d’un avocat,
- Constate que cet événement s’inscrit dans un contexte de dégradation massive des relations entre l’institution judiciaire grenobloise et les avocats,
- Appelle de ses vœux la mise en place d’une commission interprofessionnelle nécessaire au rétablissement d’un dialogue,
- Invite à un rassemblement des avocats en robe le mardi 24 mai à 12 heures devant la Maison de l'Avocat au soutien de la présente motion
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